La grossophobie (fat shaming)

La grossophobie (fat shaming)

On parle de grossophobie depuis 1996 et la sortie du livre « Coup de gueule contre la grossophobie » de l’actrice Anne Zamberlan victime d’insultes sur son obésité. Rentré dans l’édition 2019 du Petit Larousse et du Robert, ce terme désigne « l’ensemble des attitudes et des comportements hostiles qui stigmatisent et discriminent les personnes grosses, en surpoids ou obèses ».

La grossophobie aujourd’hui

En mars 2020 et à l’occasion de la journée mondiale contre l’obésité, l’institut Odoxa a mené l’enquête sur l’état de la grossophobie en France (l’obésité concerne aujourd’hui 8 millions de Français). 67% des Français interrogés estiment que « perdre du poids est avant tout une question de volonté », tandis que 55% pensent qu’il faut « mettre les personnes obèses face à leurs responsabilités ». Les catégories sociales ayant le plus de préjugés sur l’obésité sont les hommes (53% des répondants pensent que les obèses ne prennent pas soin d’eux, contre 41% chez les femmes), les CSP + ainsi que les jeunes (- de 35 ans).

Généralement, les clichés que les gens ont sur l’obésité viennent de leur ignorance. On vit dans une société toute en contrôle où on nous martèle le crâne avec le fait qu’il faut qu’on soit « fit », « healthy », « détox »… et que si on est gros, c’est qu’on a un mode de vie malsain. En réalité, l’obésité peut être engendrée par plusieurs facteurs dont tout le monde n’a pas forcément conscience : des facteurs génétiques, sociaux, environnementaux, les effets secondaires de certains traitements, la conséquence de certaines conditions, de même que le vécu dans l’enfance, l’éducation, etc… De plus, les gros n’étant pas assez représentés dans les médias (film, série, presse…), les préjugés peuvent venir rapidement. Ils représentent 15% de la population française et passent inaperçus. Comment lutter contre les clichés et les discriminations si on n’en parle pas à part pour montrer de leur « vie de laisser-aller », leur « transformation suite à une opération » ou leur « défi régime/sport » ?

La parole se libère de plus en plus et certains décident de témoigner dans les médias. Au micro d’Europe 1 dans l’émission « On fait le tour de la question », Gabrielle Deydier, auteure du livre « On ne naît pas grosse », s’est livrée sur son parcours, marqué par les discriminations sur son poids. Alors qu’elle a suivi des études à Sciences Po, Gabrielle a du mal à trouver en emploi : « Les rares entretiens d’embauche que j’ai eus pour des jobs que j’estime correspondre au niveau d’études que j’avais, c’était toujours avec un CV sans photo. ». L’Organisation internationale du travail dit qu’une femme obèse a huit fois moins de chances d’être embauchée qu’une femme qui ne l’est pas, et un homme obèse a trois fois moins de chances d’être embauché qu’un homme qui ne l’est pas.

Nicolas, lui, raconte sur Neonmag que les moqueries qu’il a subies pendant toute sa vie par sa famille et ses amis ont fragilisé sa confiance, même jusqu’à aujourd’hui : « Depuis l’enfance j’ai des problèmes de poids. Mes parents m’avaient donné le surnom de « cochon », à chaque repas c’était : « Allez cochon ! viens manger ». À l’école mes mes soi-disants amis m’appelaient le gros : « ça va gros ? », « putain t’es tellement gros que tu dois payer double au cinéma ». Aujourd’hui, je ne me trouve pas beau, pas assez bien pour ma copine. ».

De la simple remarque « juste pour rire », on dérive vite vers le harcèlement et parfois le cyber harcèlement. De la naissance de complexes à la totale remise en cause de son image, les conséquences sont terribles pour les victimes : des régimes à n’en plus finir qui peuvent mettre la santé en danger, des opérations coûteuses, des phases de boulimie, d’anorexie, de dépression, le suicide…

Toujours dans la même émission « On fait le tour de la question », sur Europe 1, une auditrice a pris la parole pour dénoncer les conséquences dramatiques de la grossophobie sur sa fille : « Ma fille avait 11 ans, elle était forte, grosse même si je n’aime pas le mot. Elle a subi un harcèlement scolaire, déclenché une phobie scolaire, continué à grossir, jusqu’à arriver à un poids qui était dangereux pour sa santé. Aucun docteur n’a mis son poids et son obésité sur le dos de son mal-être. Elle se faisait traiter de grosse par certains médecins, jusqu’à ce qu’on lui propose une chirurgie gastrique. Au bout de six mois de contrôle médicaux de divers docteurs, qui ont tous expliqué que la chirurgie gastrique était obligatoire, elle l’a fait, et après coup, a été lâchée par le chirurgien et l’équipe médicale. À 15 ans, elle a commencé à perdre du poids. C’était trop rapide, et elle est rentrée dans une anorexie puissante. Elle s’est battue, elle a perdu, elle est décédée en juin dernier, à 19 ans, d’un arrêt cardiaque. Voilà ce que la grossophobie peut faire à une jeune fille, à une famille entière ».

Et dans le sport ?

Dans le milieu sportif, là où nous exposons notre corps et nous montrons vulnérables, nombreux ont été celles et ceux qui ont pu subir des regards méprisants ou pire, des remarques désobligeantes, des insultes. On pourrait avoir le cliché de la salle de sport où règnent le culte du « beau » corps, la course à la minceur et le rejet de toutes les formes corporelles qui s’en éloignent trop. Finalement, est-ce vraiment un cliché ?

Le sport étant souvent associé à la performance et au dépassement de soi, les personnes en surpoids ne semblent pas correspondre aux critères d’appartenance à cette communauté « fit & strong ». A l’inverse, elles peuvent être perçues comme étant bonnes à rien, en mauvaise santé avec une image « canapé chips ». En conséquence, elles n’osent plus aller à la salle de sport ou en cours de gym dans la peur de se prendre des réflexions. D’ailleurs quand elles font un pas en avant vers le sport, on dit souvent que ces personnes veulent « se reprendre en main » pour perdre du poids alors qu’elles ne le font peut-être que pour leur bien-être mental. Quand une personne ronde fait du sport, elle se prend des remarques voire même des moqueries et quand elle n’en fait pas, même sort !

En 2017, Ashley Graham, la mannequin grande taille américaine en fait les frais. Après avoir publié sur Instagram une photo d’elle à la salle de sport en train de faire des abdos, elle se prend une vague de commentaires désobligeants (« Tu ne seras jamais mince, donc arrête de faire du sport » ou « Pourquoi ne veux-tu plus être grosse alors que c’est ça qui t’a fait connaître ? ») auxquels elle répond « Juste pour info, je fais du sport pour rester en bonne santé, me sentir bien, faire le plein d’endorphines, avoir plus d’énergie… et non pour perdre mes formes, puisque je me sens bien comme ça… ». Comme si on devait maintenant se justifier de faire du sport !

La même année, la célèbre bodybuildeuse anglaise Diana Andrews publie une photo sur Snapchat sur laquelle elle se moque ouvertement d’une femme ronde courant sur un tapis de course en mettant des commentaires sur ses « poignées d’amour » et sur le fait qu’elle parie qu’elle se « commande des hamburgers ». Les internautes réagissent en masse pour dénoncer le fait qu’une influenceuse censée encourager les autres à se sentir bien dans leur peau fait du body shaming.

En 2018, une coureuse anglaise Julie Creffield veut prouver que tout le monde peut courir, peu importe son poids ou ses formes. Après avoir participé au marathon de New York avec le slogan « Too fat to run? » (trop grosse pour courir ?), elle veut montrer que les gens ne courent pas forcément pour perdre du poids mais qu’ils peuvent le faire pour leur santé mentale, se sentir bien, avoir une activité sociale…

Nous, au Body Positive Studio, et inspirés par des sportives/yogis comme Jessamyn Stanley, nous accueillons tout le monde de la même façon et traitons les corps des un.e.s et des autres avec bienveillance.

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