Contrairement au fat shaming (grossophobie), le skinny shaming (maigrophobie) qualifie les remarques humiliantes faites sur le corps de personnes considérées comme maigres ou trop maigres. « L’anorexique », « la tige », « la grande asperge », « la planche à pain », « manche à balais », « mec fragile »…. Vous voyez de quoi on veut parler ?
Le skinny shaming aujourd’hui
Le skinny shaming est une forme de body shaming. A l’heure où des corps comme ceux de Kim Kardashian ou Kylie Jenner sont mis en avant sur les réseaux sociaux comme étant des corps parfaits, voire des normes. On ne compte plus le nombre de femmes voulant maintenant une taille marquée avec le combo lèvres/poitrine/fesses bien pulpeuses et bombées. Il en va de même pour les hommes : selon le stéréotype d’aujourd’hui, un homme doit être « viril », musclé et grand. Une personne menue peut donc rapidement se comparer et se sentir « en-dessous » de ce que valorise la société. Par exemple, il se peut qu’un homme de corpulence assez fine rentre dans une salle de musculation et qu’il se fasse dévisager par tous les autres hommes, eux déjà musclés. Ou pire, qu’on lui fasse des remarques désobligeantes « tu vas t’envoler avec une charge aussi lourde » ou « tu vas soulever quoi avec tes petits bras ? ».

L’impact de cette image que l’on nous impose comme modèle est terrible et ceux qui ne rentrent pas dans le moule sont montrés du doigt. Selon la nutritionniste Julia Lévy-Ndejuru, « ces remarques peuvent être extrêmement dommageables et néfastes. Ça peut affecter l’image corporelle, influencer les pratiques alimentaires et même contribuer à créer ou à renforcer des troubles d’alimentation ». En effet, en quête de prendre plus de poids, certaines personnes sont prêtes à passer par des régimes hyper caloriques ou même à prendre tel ou tel produit (chimique) magique. Autant dire des choses qui ne sont pas forcément bonnes pour la santé. Selon une étude réalisée en 2019 par l’institut de sondage Yougov, 1 français.e sur 3 a déjà été victime de moquerie sur son apparence, les plus touchés étant les 18-24 ans accros aux réseaux sociaux qui peuvent recevoir de simples commentaires désobligeants comme subir du harcèlement en ligne.
Skinny vs. fat shaming
Beaucoup opposent le skinny shaming au fat shaming. Pour certaines personnes, être trop mince n’a jamais empêché d’être socialement accepté ou d’obtenir un emploi. Dans l’imaginaire collectif, être gros serait la conséquence d’une vie malsaine, de quelqu’un qui passe sa vie à manger des chips devant la télé et qui ne prend pas soin de sa santé, ce qui constitue un vrai frein. Alors qu’être menu.e, c’est quelqu’un qui fait attention (peut-être trop) et qui a potentiellement un mode de vie plus sain. Donc finalement, la plus à plaindre ici, c’est la personne « grosse » car la personne « maigre » semble mieux s’en tirer. En conséquence, on s’indigne vite quand une personne est critiquée car elle est « trop grosse » (on hurle à la grossophobie) mais on n’est pas plus choqué que ça quand une autre est stigmatisée parce qu’elle « trop maigre et a besoin de manger ». Le skinny shaming ne serait donc pas une oppression contrairement au fat shaming.

Finalement, les victimes de skinny shaming se sentent minimisées car ce qu’elles vivent est « moins pire » que celles de l’autre camp. D’ailleurs, quand on veut prendre des pincettes pour qualifier une personne en surpoids, on utilise souvent des termes comme « ronde », « pulpeuse » alors que pour une personne maigre, on dit maigre alors qu’il existe plein d’autres mots (svelte, élancé, sec, mince, menu).
Un combat légitime ?
Si le skinny shaming semble plus admis dans la société que le fat shaming, alors pourquoi en faire un combat ? Est-ce vraiment légitime ?
Au sein même du mouvement body positive qui prône l’acceptation de tous les corps, on retrouve régulièrement des propos comme quoi on ne peut pas faire du 32-38 de taille et se revendiquer de ce mouvement. Pourquoi ? Parce que, même chanson, ce sont des personnes de taille « standard » et donc qui ne subissent pas autant d’oppressions que des tailles 46+. Donc finalement un mouvement qui se veut inclusif mais ne l’est pas totalement ? Pourquoi devrait-on mettre en lumière les revendications des 46+ et penser que celles des – de 38 sont moins légitimes ?
Qu’un corps soit mince ou rond, quand on reçoit des moqueries, cela laisse forcément des traces. Chacun perçoit cela à sa façon et on ne peut pas exiger de tout le monde de comprendre que finalement, ça va et que « il y a pire ». Non, si on se sent mal parce que quelqu’un a dit qu’on avait que « la peau sur les os », on a le droit de se révolter, même si avoir la peau sur les os ne nous empêche pas de trouver du travail. Et qui sait ? Un corps mince peut cacher des complexes ou même des maladies donc autant de bonnes raisons de se faire entendre.
Il n’y a finalement pas deux combats à opposer, on devrait tous se soutenir les uns et les autres pour que le body shaming, qu’il soit skinny ou fat, fasse partie du passé.
En tout cas, nous, au Body Positive Studio, c’est ce qu’on s’efforce de faire ! Pour en savoir plus, consultez le compte Instagram du studio.